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Les personnages

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Les personnages

Le choix d’un mode formel, vers ou prose, va dans le sens d’une distribution des personnages. Si pour Chrétien de Troyes la forme narrative était d’emblée le vers octosyllabique - tout récit de cette époque en langue vernaculaire suivant cette forme - lorsque la prose entre en littérature, le roman en vers tend à se spécialiser en donnant un privilège au grand nombre des exploits chevaleresques et amoureux de Gauvain, ou à ceux attribués à d’autres acteurs proches et bénéficiant de son aura, tel Méraugis ou Gliglois.
Dans les récits en prose en revanche, à partir de La Quête du Saint Graal, on a justement remarqué que les personnages s’organisent en couples : tel le Roi Pêcheur (ou Mehaignié) et Perceval (DidotPerceval, Perlesvaus), ou Lancelot et Galaad (dans le cycle du Lancelot-Graal, ou encore Merlin et Arthur (dans le cycle du pseudo Robert de Boron, appelé Cycle Post-Vulgate). Tous ces couples, on le voit, "sont liés au Graal par le motif de la quête (Perceval, Galaad) ou de l’annonce prophétique (Merlin) ou par une relation de parenté ".
A travers un nombre toujours codifié de situations et de personnages les récits s’élaborent en une sorte de Comédie humaine dont les acteurs réapparaissent d’un récit à l’autre. Cette permanence de héros connus permet aux lecteurs de l’oeuvre un phénomène de reconnaissance et la compréhension des innombrables variations parmi lesquelles il garde au moins des repères. Que les récits apparaissent plus volontiers en cycles, que d’autres soient plutôt des bourgeons, des excroissances, des épisodes attribués à tel personnage attaché à tel autre personnage stable de la légende, dans l’univers de la Table Ronde la stabilité fait d’Arthur l’acteur indispensable, le centre du récit lorsque Merlin programme la Table Ronde, et ceci jusqu’au mariage avec Guenièvre. Il ne redeviendra héros central qu’au 15e siècle, dans le tout dernier récit de la légende.

A travers le foisonnement des personnages d’un univers romanesque complexe, la stabilité assure au lecteur des balises sûres, mais déjà la spécificité des caractères en facilite la Perception. Ainsi certains personnages sont caractérisés par une permanence de comportement. Lancelot, l’amant parfait face à Gauvain toujours disponible aux dames et demoiselles, le chevalier courtois par excellence ; Keu le sénéchal, frère de lait d’Arthur, mais de moindre valeur car il n’a pas été nourri par sa propre mère dont le lait devait aller à l’enfant confié par Merlin, en est resté un peu mesquin, aigre, jaloux et vantard, persifleur à la raillerie discourtoise, tout à fait indélicat au moment où il tente, dans le Perceval de Chrétien, d’arracher le jeune héros à son extase devant les trois gouttes de sang sur la neige. Keu sera généralement fidèle à son rôle.
Quant à Guenièvre, restée étrangement belle et jeune - dont Geoffroy de Monmouth disait déjà qu’elle surpassait toutes les femmes de l’île en beauté - on n’a pas manqué de souligner que le bénéfice de ce temps, qui pour elle ne passe pas, retient des traits de son ancienne nature de fée. Venue de l’Autre Monde, souvent enlevée de la cour, elle est représentée dans un témoignage iconographique de la première heure, tel le portail de Modène qui illustre dès le 3e siècle l’un de ses enlèvements. Sur le support de pierre, elle s’appelle Winlogee, dont le nom a été rapproché de Gwenhwyfar, nom gallois qui rappelle ses origines de " blanc fantôme ". Les témoignages écrits évoquent le personnage avec une tonalité assez détestable parfois, par des allusions aux enlèvements trop consentants.
Geoffroy de Monmouth ne manque pas de dire qu’Arthur a été trompé et Wace le suivra.Gauvain est un personnage très attachant de la légende. Malgré une interprétation récente qui en a fait une figure du dans le Perceval, plus généralement, dans les textes qui insistent sur les quêtes spirituelles, Gauvain souffre de sa réputation de jouisseur. Il tente l’aventure du Graal dans la Première Continuation, mais ne pouvant ressouder l’épée brisée il se couvre de honte. Son échec semble irrémédiable : le matin il se réveille dans un marais, comme il se réveille dans la Seconde Continuation sur un escarpement au bord de la mer. Ni dans l’Élucidation, ni dans le Perlesvaus, le héros ne peut accomplir l’aventure du château du Roi Pêcheur. Il assiste bouleversé au service du Graal, mais garde le silence. Le matin, là aussi, il est seul, exclu, devant une porte fermée.
Gauvain est en revanche le héros éblouissant d’autres récits, en vers cette fois. " Parangon de sagesse et de courtoisie " (Livre de Caradoc), il est souvent prestigieux, même s’il subit un traitement teinté de parodie dans L’Atre périlleux. Trace archaïque, sa force suit le cours du soleil, comme dans La Mort Artu et L’Atre périlleux. Il est toujours prêt pour l’aventure. L’auteur du Chevalier à l’épée peut annoncer dès le début de son récit " Le héros en est le bon chevalier qui sut garder loyauté, prouesse et honneur et qui jamais n’aima les êtres lâches, perfides et dépourvus de courtoisie. Je veux en effet vous conter de monseigneur Gauvain. Ses manières étaient si raffinées, il avait une telle réputation de prouesse que personne ne saurait en parler : quiconque voudrait retracer tous ses mérites et les mettre par écrit ne pourrait en venir à bout. " Sa gloire est telle en effet que d’autres personnages se situent avec prestige dans son sillage, tel Gliglois qui est le favori de Gauvain et qu’Arthur lui-même chérit entre tous.
La permanence de certains traits, le retour régulier de personnages clefs, la stabilité des structures de parenté ont dû faciliter la réception de l’oeuvre et sa permanence dans la durée. Dans son approche anthropologique de la société imaginaire d’Arthur, Michel Pastoureau insiste sur cette fermeté des structures. Même les variantes de noms, d’un récit à l’autre, ne les estompent pas. Le fil du temps est parfois livré sur cinq ou six générations, qu’évoque le retour en arrière, ou que décrit la linéarité même des narrations. Si l’on suit les historiens des sociétés, le lien du neveu à son oncle maternel est un écho des réalités sociales de l’époque qui a connu la légende arthurienne. Nombreuses sont les histoires d’inceste et d’adultère, où les femmes restent souvent innommées.La bâtardise est obsédante : Merlin est un enfant bâtard, Arthur aussi, qui passe pour être le fils du duc de Tintagel, mais qui est en fait le fils d’Uterpendragon et qui se croit le fils d’Antor jusqu’à l’épreuve de l’enclume. Mordret est né, lui aussi, de l’union aveuglée d’Arthur et de sa soeur, épouse du roi Lot d’Orcanie. Galaad est engendré au cours d’une nuit des dupes par Lancelot qui croit passer la nuit avec Guenièvre, alors que gît à ses côtés la fille du roi Pellés. La génération des pères porte souvent le poids d’une faute le diable engendre Merlin ; Lancelot est coupable d’adultère mais son fils sera le chevalier chaste élu pour le Graal ; le Roi Mehaignié est impuissant, frappé d’un Coup Douloureux qui est malédiction pour sa Terre devenue Gaste. Le flou des généalogies est déjà perceptible dans le Perceval de Chrétien, dont l’auteur a décalé d’une génération le Roi Pêcheur, en en faisant le cousin de Perceval, alors qu’à l’origine il devait être son oncle : le Roi Pêcheur y est une figure dédoublée, puisqu’il a pour père le reclus qui vit de l’hostie portée par le Graal. Ces variations mystérieuses et des modulations d’un texte à l’autre expliquent que la quête des origines puisse devenir une hantise, et la découverte des origines un véritable traumatisme. Dans Perlesvaus Arthur apprend son origine, et non sans honte. Il en est de même pour Gauvain. La révélation des origines de Caradoc, fils de l’enchanteur Eliavrés et non du roi Caradoc de Vannes comme il le croyait, n’est pas agréable au héros, qui se venge cruellement.

Parmi les structures de parenté, certaines fratries font l’objet d’une élaboration particulière. Ainsi, dans le lignage de Gauvain, parmi les quatre fils du roi Lot d’Orcanie, Gauvain est la figure de premier plan, la plus développée dans ses traits d’individu, galant, courtois, parfois proche de la luxure, capable d’orgueil farouche et de démesure. Son frère Agravain reste mauvais et envieux, il est largement responsable de la dégradation du monde arthurien. Gaheriet en revanche est indéfectiblement loyal. Mordret, chargé de la tradition des anciens temps, celle du lieutenant d’Arthur, sera longtemps parmi les neveux d’Arthur le rebelle jaloux de son oncle. C’est au 13e siècle seulement qu’il devient le fils incestueux d’Arthur ; l’affrontement fînal de La Mort Artu est un règlement de compte entre père et fils dont la psychanalyse s’est enchantée. Ainsi l’individualisation psychologique des personnages, lorsqu’elle devient un élément récurrent, facilite la compréhension des liens entre les récits eux-mêmes.
Pour le public médiéval qui pouvait avoir connaissance des récits dans les manuscrits, les repères étaient facilités par le fait que si tel personnage a quelque difficulté à démêler ses origines, il reçoit - à la fois dans le récit et dans l’illustration - des marques d’identification qui concernent également celles qu’ont connues les lignages de l’époque, dans la grande ou dans la petite et moyenne noblesse. Ainsi dans le domaine de l’héraldique, les armoiries stables, qui sont en même temps une séduisante invite aux yeux - même aux yeux du lecteur moderne pour qui ces signes d’identification appartiennent à une époque révolue - proposent des couleurs, des formes et des figures. L’écu de Méliador porte un soleil d’or, écho coloré de son nom. Tel chevalier dans L’Atre périlleux porte un écu " de gueules, un lion rampant d’hermine ", tel autre dans Hunbaut un écu d’hermine lion vermeil, son frère aîné portant les mêmes armes sans figure de lion. Les historiens pourront dire la portée de ces subtiles différences qui se font l’écho des tensions qui divisaient les familles de l’époque. Pour un cadet, avoir des armoiries légèrement et discrètement différenciées par rapport à celle de l’aîné pouvait être durement ressenti. Le système héraldique arthurien est ainsi en mimétisme par rapport au système héraldique de la société médiévale. Perceval dans l’illustration porte des armoiries qui évoquent l’élu de la quête du Graal : deux griffons d’argent interprétés comme gardiens d’un trésor ou d’un lieu sacré, rôle qu’ils assurent dans la symbolique antique et médiévale. Une remarque importante : quelle que soit leur position dans leur famille propre, les héros de la légende arthurienne sont dans leurs armoiries considérés comme " chefs d’armes de leur lignage, même du vivant de leur père, même s’ils sont des puînés. La notoriété semble primer le rang ". C’est dire l’impact de cette littérature sur tout ce qui entoure les narrations, à commencer par l’illustration des manuscrits. Pour Mordret aux armes de pourpre à l’aigle bicéphale d’or, au chef d’argent, rien ne rappelle son père : les armoiries font silence sur l’inceste. Tout au contraire elles évoquent le père putatif, Lot d’Orcanie. Les armes de Lancelot, d’argent à trois bandes de gueules, sont les plus stables de toutes celles des chevaliers de la Table Ronde. Elles proviennent d’un épisode littéraire du Lancelot en prose où la demoiselle de la Douloureuse Garde lui remet trois écus d’argent. Quant au sénéchal Keu dont la fonction est permanente à la cour du roi, il porte ce qu’on appelle des " armes parlantes " : elles sont d’azur à deux clefs d’argent, et son cimier porte une clef d’argent : son nom en effet se prononçait Ké

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