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Lorsqu’on me conduisait aux Champs-Élysées, pour jouer sur l’emplacement sablé du Cirque d’Été, depuis peu démoli, à mesure que descendait la façade ruineuse de l’ancien palais de l’Industrie, je voyais monter peu à peu le Grand et le Petit-Palais et s’ouvrir la grande perspective Alexandre-III.
Ces édifices-là n’étaient pas en carton-pierre, constatait-on avec • orgueil : l’Exposition terminée, ils sauraient durer... Alors que, en 1889, on s’était orienté avec bonheur vers une architecture du fer et de l’acier, en 1900, on revient à la pierre et aux styles tels qu’on les enseigne aux Beaux-Arts.

Les palais n’étaient pas terminés que, déjà, quarante-deux sculpteurs médaillés, appuyés par des parlementaires toulousains (Toulouse, Athènes de 1900), habillaient Cie statues et de divers trophées académiques toutes les surfaces sculptables, agrémentaient les corniches d’urnes ou de pots-à-feu et coiffaient les dômes d’ornements divers. Quand il n’y eut plus de place sur cette immense console du Grand-Palais, on posa sur le toit un vitrage de gare.

On tournait autour de l’oeuvre de Deglane, où tant d’artistes avaient apporté leur pierre, en se demandant quelle était la plus belle façade, celle de l’avenue d’Antin ou celle de l’avenue Nicolas-II ?

Ce ne sont que fresques murales et frises en grès polychrome, statues allégoriques : La Science qui marche en dépit de l’Ignorance ou L’Inspiration guidée par la Sagesse. Chacun semble d’ailleurs trouver naturel que l’art du xixe siècle finisse sur une telle ordure.

Des quadriges de bronze déchaînés et dont les chevaux emballés précipitent des femmes nues dans le vide crèvent le ciel à chaque angle et font, par leur mauvaise tenue, contraste avec l’équipage du comte de Castellane, que je vois passer au rond-point, dans une grande calèche aux laquais poudrés.
Au Petit-Palais, c’est l’art ancien.

Au Grand-Palais, c’est l’art des dix dernières années ; cette Décennale, représentant l’art contemporain, ce sont dix Salons empilés les uns sur les autres.

Le public va droit aux maîtres qu’on lui a garantis ; il admire le Charles le Téméraire de Roybet, Les Trompettes de Detaille, Le Pont Alexandre de Roll, Cormon, Flameng, mélange de fantaisie et de vérité... Devant Henner, Bonnat, Dagnan-Bouveret (élève de Gérome, médaillé d’honneur), l’immortel auteur de La Noce chez le photographe, de La Vaccination, etc., c’est une procession.

Monet, Degas, Puvis de Chavannes, Renoir, Sisley, Pissarro, Cézanne, Seurat, Denis, Vuillard, aucun de ceux par qui nous sommes assurés de durer n’ont été invités ; ou bien ils sont dissimulés sous les escaliers.

D’ailleurs, chez Georges Petit, à la vente Chocquet, des Cézanne viennent de faire cent cinquante francs et des Monet trois cent dix francs.

C’est le moment où l’on peuple Paris d’une foule d’idoles fondues, taillées ou modelées : Leconte de Lisle et Chopin au Luxembourg, Chappe, Sainte-Beuve, etc.
Marqueste expose un groupe de l’Électricité. Partout triomphent l’anecdote, le trompe-l’oeil
l’ornementation vaine, le musée de cire, l’allégorie, la page d’histoire.

Au coin de l’avenue de l’Alma, loin des prix de Rome et des gesticulations en marbre de campo-santo, Rodin expose seul. Il est le seul à qui on n’ait rien commandé pour l’Exposition.
Il montre pour la première fois ses dessins ; enthousiasme parmi les artistes !

Des chefs-d’oeuvre inconnus convergeaient en ce moment vers Paris : trésor de Conques, collections Hoéntschel ou Martin le Roy ; merveilles de l’art roman, de l’art limousin, dinanderie des xi et xii siècles.

Tout cela préparait le grand public à comprendre Rodin ; on s’aperçoit enfin qu’il se rattache à nos primitifs d’une part et, d’autre part, aux Grecs et aux Égyptiens ; sa grâce l’apparente aux Français de la Renaissance, ses bustes à Houdon et à Carpeaux.

Sauf la géniale Camille Claudel, il n’a pas d’élèves. On l’admire d’être si seul. A vrai dire, ces œuvres de 1900, le Balzac, les Bourgeois de Calais, la Porte de l’Enfer n’étaient pas, on l’a vu depuis, du meilleur Rodin.


Le Journal de la France Tallendier 1970 article de Paul Morand de L’academie Française

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