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La tentative anglaise de double monar­chie (1411-1435)

, par

Pour obtenir l’aide mili­taire d’Henri IV d’Angleterre, Jean sans Peur lui a promis quelques villes flamandes et son aide pour conquérir la Normandie. Mais les Armagnacs prennent à leur tour contact avec le roi d’Angleterre, lui garantis­sant le recouvrement des provinces perdues depuis 1369. Dans le Conseil d’Henri IV, ces derniers l’emportent sur les Bourguignons. Un accord est conclu en mai 1412. Mais Jean sans Peur apprend la transaction. Aussitôt les Armagnacs dénoncent le pacte. Il est trop tard : des troupes anglaises débarquent près de Cherbourg, prennent Honfleur et traver­sent l’ouest du royaume sans être inquiétées.

D’autant plus que la guerre civile fait rage entre Armagnacs et Bourguignons. Jean sans Peur, pour conserver son prestige, entreprend le programme de réformes qu’il avait promis. En janvier 1413, il déchaîne la foule pari­sienne contre les Armagnacs et, une fois ces derniers massacrés, emprisonnés, chassés (épisode des Écorcheurs), les émeutiers obtiennent la promulgation d’une grande ordonnance qualifiée plus tard de cabo­chienne, du nom de leur chef, le boucher Caboche. Mais les notables parisiens pren­nent peur devant les troubles. Ils se rappro­chent du dauphin Louis de Guyenne, et le duc de Bourgogne, se voyant isolé, abandonne brusquement la partie. C’est le retour des Armagnacs qui abolissent aussitôt l’Ordon­nance cabochienne ( 8 septembre 1413) et se maintiennent pendant cinq ans à Paris, en dépit de leur impopularité.

En mars 1413 Henri IV d’Angleterre est mort, laissant le trône à son fils Henri V. Ce dernier se présente immédiatement comme l’apôtre de la paix, mais d’une paix juste qui implique non seulement la restitution des provinces acquises par le traité de Bréti­gny, mais encore de celles indûment arra­chées à Jean sans Terre par Philippe Auguste. Pour éviter l’alliance anglo-bourguignonne, les Armagnacs sont prêts à beaucoup de concessions. Ils refusent néanmoins la Nor­mandie à Henri V qui, jugeant cette province essentielle, se décide à la guerre. Le 14 août 1415, il débarque à Chef-de-Caux. Arma­gnacs et Bourguignons se sont rapprochés face au péril anglais. Mais la réconciliation n’est qu’apparente et Jean sans Peur laisse les Armagnacs lutter seuls contre l’envahis­seur. Une forte armée est réunie. Elle ren­contre l’ennemi à Azincourt le 25 octobre 1415. Elle est écrasée. La cour de France sollicite alors la médiation du roi des Romains, Sigismond, qui, se décidant pour le plus fort, s’allie avec Henri V. Peu de temps après, Jean sans Peur reconnaît Henri V comme celui qui, « de droit », doit devenir roi de France.

Fort de ces appuis, Henri V débarque de nouveau en France en août 1417 et entre­prend cette fois une conquête méthodique et systématique de la Normandie. A Paris, le gouvernement armagnac, affaibli par la défaite d’Azincourt et par la mort du duc de Berry, du dauphin Louis et de son frère Jean de Touraine, ne tente rien. Il doit céder la place aux Bourguignons en juillet 1418. Le dernier fils de Charles V I, le futur Charles VII, alors àgé de 15 ans, devenu dauphin en avril 1417, a pu échapper au massacre de ses partisans. Un rapprochement entre Armagnacs et Bourguignons s’esquisse pourtant lorsque les Anglais, après avoir achevé la conquête de la Normandie, de­viennent menaçants pour Paris. Mais le meurtre de Jean sans Peur à Montereau le 10 septembre 1419, par un fidèle du dauphin, rend toute entente impossible pour long­temps. Henri V d’Angleterre qui, jusque-là, avait surtout cherché à obtenir la fraction la plus large possible du royaume, voit sou­dain la couronne de France à sa portée. Le nouveau duc de Bourgogne, Philippe le Bon, fidèle à son attitude de vengeur et ne pouvant devenir lui-même l’héritier du trône, se range, en effet, non sans scrupules, au projet anglais de double monarchie, comme préfé­rable au rattachement pur et simple à l’An­gleterre et impose à Charles VI la signature du traité de Troyes, le 21 mai 1420 Charles VI demeure roi jusqu’à sa mort, mais il exclut le dauphin de tous ses droits et donne sa fille Catherine en mariage à Henri V qui devient son « fils » et l’ « héritier de France ». A la mort de son beau-père, Henri V coiffera donc les deux couronnes qui resteront unies à jamais sous lui et ses successeurs. Union personnelle et non fusion. Chaque royaume conservera ses droits, ses libertés, ses coutumes, ses lois. En attendant, Henri V, revêtu du titre de régent, exercera le pouvoir au nom de Charles VI et gardera à titre personnel le duché de Normandie.

Mais le dauphin, et encore plus ses parti­sans, contestent aussitôt la validité du traité faisant valoir que Charles VI ne peut disposer à son gré de la couronne car il n’en est que le dépositaire et qu’a fortiori son état mental ôte toute valeur à sa décision. Or le dauphin tient encore la France du Centre et du Sud, à l’exception de la Guyenne. Dans ces condi­tions, Henri V est contraint d’entreprendre une conquête de longue haleine. Peu de temps après, il meurt (aout 1422). Le 21 octobre suivant, Charles VI disparaît à son tour et, conformément au traité de Troyes, Henri, fils d’Henri V et de Catherine, déjà roi d’Angleterre par la mort de son père, devient roi de France par celle de son grand­père. Le nouveau souverain a quelques mois et c’est son oncle, le duc de Bedford, qui prend la régence. Mais, en même temps, le dauphin Charles s’est proclamé roi sous le nom de Charles VII. Le premier soin de Bedford est de raviver l’alliance anglo-bourguignonne, quelque peu défaillante. Il rallie également à son camp le duc de Bretagne Jean V. La guerre reprend alors. Elle n’est pas favorable à Charles VII. Refoulé au sud de la Loire, il se voit affublé par ses adversaires du titre ironique de « roi de Bourges ». Toutefois la solidarité anglo­bourguignonne se révèle éphémère. Des que­relles dynastiques viennent opposer Phi­lippe le Bon au duc de Gloucester, oncle de Bedford. De son côté, Charles VII parvient à détacher un temps Jean V du clan anglais et à conclure des trêves de plusieurs années avec la Bourgogne. La guerre se poursuit donc contre les seuls Anglais. Une opération, qui semble décisive, s’engage le 12 octobre 1428 avec le siège d’Orléans, clef des pays d’outre-Loire.

En ces années 1428-1429 qui se révéleront décisives, la position du souverain Lancastre semble favorable. Il dispose, outre du royaume d’Angleterre, d’une partie impor­tante du royaume de France : la Guyenne, Calais et ses marches, le duché de Normandie, les « pays de conquête », entre la frontière normande et Paris, le Maine, l’Ile-de-France, le pays chartrain, la Champagne et la Picar­die. De plus, Jean V s’est de nouveau rap­proché des Anglais en 1427. Enfin ces derniers conserverft l’alliance de Philippe le Bon qui dispose, dans le royaume, du duché de Bour­gogne et des comtés de Flandre, Boulogne, Artois, Rethel, Nevers, Charolais et Mâcon et, dans l’empire, de la Franche-Comté, du comté de Namur, du Hainaut, de la Hollande et de la Zélande. Mais l’Angleterre propre­ment dite n’apporte qu’une aide épisodique dans la lutte, en vertu du principe de la double monarchie. Enfin, dans la France conquise, la population est loin d’être ralliée. Les Anglais continuent à être considérés comme des envahisseurs. Ses recettes fiscales permettent néanmoins à Bedford d’assurer le paiement régulier d’une armée disciplinée, bien équipée, mais peu nombreuse. On peut estimer à 7 000 le nombre des combattants dont le régent dispose au prix d’un effort maximum.

Face à l’Angleterre, Charles VII conserve ses alliés traditionnels, la Castille et l’Écosse. Il trouve également dans les grandes maisons princières - Anjou, Orléans, Bourbon, Foix, Comminges - un appui plus efficace que celui apporté à Bedford par les princes français qui reconnaissent officiellement Henri VI. Mais, si son pouvoir est moins contesté, sa cour est le foyer d’intrigues sans nombre et il ne dispose pas d’une armée régulière. La poursuite des combats repose sur l’activité d’une centaine de « capitaines de gens d’armes et de trait » disposant chacun de quelques dizaines d’aventuriers. Enfin, le point le plus faible réside dans la personne de Charles VII, indolent, irrésolu, totalement dépourvu de prestige. Pour lui, l’issue du siège d’Orléans est capitale car d’elle dépehdra sa décision d’abandonner ou de poursuivre la lutte.

La capitulation de la ville semble proche après la journée du 12 février 1429 (journée des Harengs) au cours de laquelle les Fran­çais sont battus par l’escorte d’un convoi de ravitaillement qu’ils avaient intercepté. Mais l’intervention de Jeanne d’Arc va changer le cours des événements. Arrivée à Chinon le 6 mars 1429, elle y rencontre le "gentil dauphin" et réussit à le convaincre du caractère divin de sa mission et de la sainteté des voix qui lui ont enjoint de chasser les Anglais hors de France. Avant d’entrer en campagne, elle envoie un défi à ses adver­saires, les sommant au nom du « Roi du Ciel » de « rendre France ». Puis elle entre dans Orléans, le 30 avril, et oblige le chef anglais Suffolk à lever le siège (8 mai). Après ce succès, les Français prennent Jargeau, Beaugency et bousculent l’arrière-garde an­glaise à Patay (18 juin). Jeanne décide alors Charles VII à gagner Reims où il est sacré le 17 juillet. Sa légitimité devient manifeste.

Les Anglais prennent peur mais Charles V I I manque d’énergie. II s’empare de quelques villes : Laon, Soissons, Senlis et Compiègne. Sans entreprendre aucune action d’envergure. De plus, sa position est ébranlée par la cap­ture de Jeanne par les Bourguignons à Compiègne (24 mai 1430). Vendue aux An­glais, la Pucelle est jugée à Rouen par un tribunal d’inquisition présidé par Pierre Cau­chon. Elle est condamnée comme , héré­tique, relapse, apostate, idolâtre » et brûlée le 30 mai 1431.

Le 17 décembre 1431, Henri VI qui, deux ans plus tôt, avait été sacré roi d’Angleterre à Westminster, l’est en tant que roi de France dans la cathédrale de Paris. Mais son triomphe n’est qu’apparent. Sa domination est de plus en plus contestée sur le continent et la lassitude de ses troupes de plus en plus grande. Dans ces conditions, Charles VII va pouvoir poursuivre son oeuvre de libéra­tion. Pour cela, il lui est indispensable d’obte­nir l’alliance bourguignonne. Les négocia­tions, ouvertes en 1432, sont longues. Mais Philippe le Bon a compris que son intérêt est de changer de camp. Le 21 septembre 1435, il signe avec Charles VII, la paix d’Arras. Par ce traité, Charles VII désavoue officiel­lement le meurtre de Jean sans Peur et pro­met d’en faire réparation. Il cède au duc de Bourgogne les comtés de Mâcon et d’Auxerre, les châtellenies de Bar-sur-Seine, Péronne, Montdidier et Roye, la garde de l’abbaye de Luxeuil, les cités, places et seigneuries lui appartenant de part et d’autre de la Somme ainsi que le Ponthieu. Cependant, il garde la possibilité de reprendre son domaine de la Somme contre le versement de 400 000 écus. Philippe le Bon est enfin et surtout dispensé de tout hommage à Charles VII pour les fiefs qu’il tient dans le royaume ; mais, si le roi meurt avant lui, il y est contraint envers son successeur, tout comme son héritier, s’il meurt avant Charles VII.

Le duc de Bourgogne, outre de notables satisfactions d’amour-propre, tire de ce traité bien des avantages. Il demeure pratiquement maître de sa politique extérieure, et le traité lui donne la possibilité, il est vrai démentie par la suite, de reprendre sa place préémi­nente auprès des Valois. Charles VII est loin d’être totalement perdant. Il cède de nombreuses places, mais qui se trouvaient déjà en possession du duc de Bourgogne. De plus, la dispense de l’hommage, reposant sur la longévité du roi et du duc actuels, âgés respectivement de 32 et 39 ans, ne peut raisonnablement durer plus d’une trentaine d’années. Enfin ses concessions d’ordre moral seront vite oubliées. L’importance du traité d’Arras est ailleurs. Survenant juste après la mort du duc de Bedford, il met pratique­ment un terme à l’expérience de la double monarchie, expérience qui s’était révélée peu viable dans les deux pays déjà très "natio­naux" qu’étaient la France et l’Angleterre.


Dictionnaire d’histoire de France Perrin - France Loisirs - 1988

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