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Parfums d’Asie et d’Afrique

, par

Deux fois par semaine j’allais goûter au Thé de Ceylan ; le pavillon de Ceylan se trouvait, si j’ai bonne mémoire, sur les hauteurs du Trocadéro, à droite en montant, près des paulownias qui portent des fleurs mauves avant d’avoir des feuilles.

Toute cette colline n’était que parfums, encens, vanille, fumées de pastilles du sérail ; on y entendait racler les violons chinois, résonner les crotales, gémir les flûtes des musiques arabes, hurler de douleur mystique les Aïssaouas plus fardés que de Max, crier les Ouled Naïl au ventre mobile ; ce mélange opiacé, ce parfum de danseuses javanaises, de sorbets, de rahat-locoum, je le suivais jusqu’au village dahoméen.

Parmi les mosquées, des paillotes, près de la tour des Sacrifices, circulaient pieds nus, d’une allure fière et harmonieuse, de grands nègres, sauvages encore, sujets d’anciens rois, vieux ou récents ennemis devenus nos hommes liges ; les femmes de ce Chari-Oubangui, que nous étions en train de conquérir, pilaient le mil et l’arachide.

C’est au Trocadéro que j’ai compris la grandeur de l’oeuvre que Gallieni et, Lyautey achevaient à Madagascar, de la récente création du gouvernement de l’Afrique occidentale française et de l’Indochine, de l’effort de Jules Cambon en Algérie, de tout ce que la France avait accompli en moins de cinquante ans. Cela n’empêchait pas à la Chambre l’extrême gauche de dénoncer à ce moment même I’« aventure marocaine ”, c’est-à-dire la conquête des confins marocains, c’est-à-dire la première étape de l’occupation du Maroc...

En remontant jusque sous les murs du Trocadéro, je découvris l’Asie russe ; rien n’était plus neuf à l’oeil que ces monastères fortifiés blancs et verts, surmontés de clochers bulbeux, dorés, et d’une croix orthodoxe d’où pendaient des chaînes.

Le vrai clou de l’Exposition, pour moi, c’était, derrière ce décor, le wagon du Transsibérien. Ce Transsibérien serait fini dans quelques mois ; on pourrait faire le tour du monde en trente-trois jours. Dans ce wagon-lit-salon, on pénétrait par une porte qui était encore la Russie avec son luxe : tables en cristal de l’Oural, services d’onyx, dalles de marbres inconnus ; les fanfares du Kremlin jouaient Bojé Tsara Krani.

Toutes les fourrures, de l’Amour à la Finlande, y étaient exposées : castors du Kamtchatka, loutres de la Société des loutres, phoques, renards rouges et des peaux de ces grands tigres nordiques au poil presque blanc, auprès desquels les tigres des tropiques ne sont que des chats de gouttière.
On s’asseyait ; aussitôt le train partait. Je veux dire que devant la glace du wagon immobile le paysage peint se déroulait ; on traversait les grands fleuves parsemés de bois flottés, les forêts de pins et de mélèzes, les déserts d’où émergeaient les tombeaux mongols.

Le gouvernement russe avait reproduit sur cette toile beaucoup de mines d’or et de métaux précieux, pour donner confiance aux capitalistes français. On mangeait toutes sortes de zakouski, tandis que se succédaient ces plaines désespérées, traversées jadis par les guerriers tartares et les Novigorodiens marchands de zibeline.
Soudain (il me suffit de fermer les yeux un instant pour retrouver toute ma surprise) le moujik de service disparaissait, et c’était un boy chinois, en robe de soie bleue, apportait du thé parfumé au jasmin, d une petite tasse de porcelaine.

  Pékin, tout le monde descend !

L’on sortait alors du wagon pour se tr ver transporté magiquement à l’autre b du monde, au pied d’une des portes Pékin, à toit cornu.

  En tout cas, il fait meilleur ici, di : mon oncle. Ça chauffe là-bas en ce moment
Le général Voyron, ami de ma famille qui commandait le corps expéditionnaire français, venait de partir pour Pékin, nous suivions toutes les phases de la dance des légations investies par Boxers (que je m’imaginais combattant a des gants de boxe).

  Ce sont d’affreux démons !

  Pas du tout. Ce sont des nationalistes comme les autres.

Voilà ce qu’évoquait pour moi, par premiers jours étouffants de la canicule l’Asie jaune qui grimpait à l’assaut Trocadéro torride. (Vers 1900, les hi‘ étaient glacés et les étés brûlants.)

C’est l’époque où les souverains en vacan arrivaient à l’Exposition ; le roi des Belgesle roi Aguibou, le prince royal de Grèce roi Oscar de Suède, la reine Wilhelmi le roi d’Ethiopie, le khédive, l’archiduc Frédéric...
M. Leygues, pour étonner le shah Perse, ce souverain qui, à son arrivé( l’Hôtel des Deux Mondes, avait trouvé d son courrier 554 lettres de Parisiennes offrant leurs services, le menait voir chameaux :
  J’en ai neuf mille dans mes écuries répondait celui-ci.


Le Journal de la France Tallendier 1970 article de Paul Morand de L’academie Française

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