vendredi 16 décembre 2016, par
L’ancienne France est soumise à un système économique à prépondérance agricole. L’immense majorité des 25 millions d’habitants que compte le royaume de Louis XVI vit de la terre. Or cette France paysanne a une économie de subsistance d’une productivité faible, liée aux aléas du temps et de la démographie familiale. Ces éléments ne sont pas seuls à rendre précaires les moyens d’existence des Français. Survivance de l’époque féodale où le seigneur protégeait les hommes de sa mouvance en cas de péril grave — en contrepartie de quoi on devait au château des droits seigneuriaux prélevés sur le produit de la terre — le XVIIIe siècle ne connaît plus la protection, mais a conservé les droits seigneuriaux.
La dîme due au clergé et l’exemption de taille dont bénéficient les nobles viennent accentuer la distorsion économique entre le tiers état (environ 98 % du royaume), et les deux autres ordres. Certes, la moitié des terres du royaume est détenue par une multitude de roturiers ; il n’empêche que, pour être propriétaire, le petit paysan n’en doit pas moins une infinité d’impôts à son seigneur qui est le maître du domaine. La notion actuelle détention-gestion est une préoccupation d’économie libérale qui n’apparattra tra que plus tard.
L’immense majorité des Français estime que cet ordre des choses est indiscutable puisque soumis à l’organisation globale d’une société issue du droit divin. Ainsi, tout raisonnement rationnel sur l’égalitarisme économique passera longtemps pour une subversion pécheresse, donc non recevable. Le peuple, au cours des siècles, se soulèvera non contre les fondements du système mais contre les abus dans leur mode d’application.
Par ailleurs, la pyramide sociale converge, par des dédales administratifs complexes, vers son faîte, le monarque qui détient de Dieu son trône, et sa cour. Le roi, à la fois règne sur le pays, en qualité de maître incontesté, et se trouve, en tant que « seigneur des seigneurs », aux prises avec une noblesse turbulente plus ou moins domestiquée depuis Louis XIV.
Où et comment voit-on apparaitre les points de rupture du vieil édifice monarchique, à la fin du xviiie siècle ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître de prime abord, 1789 clôt un siècle relativement riche. Les dernières années de l’Ancien Régime ont connu des récoltes satisfaisantes à l’exception de celle de 1788, une démographie meilleure, la guerre portée hors des frontières. En un mot, une certaine prospérité voit le jour. Toutefois, favorisant le commerce et la rente foncière, elle pénalise, du fait de l’inflation qu’elle induit, les classes laborieuses essentiellement rurales. La richesse des villes due au développement des échanges commerciaux, entraîne avec elle une bourgeoisie qui, considérant pouvoir traiter d’égale à égale avec la noblesse terrienne, n’admet pas, par exemple, d’être exclue des hauts grades de l’armée.
Ainsi se produit le processus de réaction aristocratique. La noblesse, politiquement bâillonnée sous Louis XIV, veut prendre une revanche qui la pousse à une immobilité sociale de plus en plus mal supportée. Et le mouvement philosophique, prônant la consécration du droit naturel, vient épandre sur un peuple, de plus en plus ouvert aux Lumières, les réflexes d’égalité sociale.
Une suite de tentatives infructueuses de restructuration des organes institutionnels ; une crise financière endémique ; un discrédit croissant de la société de cour ; un brave homme de roi vite dépassé par les événements ; une noblesse figée et partagée ; un haut clergé sectaire et une classe bourgeoise mécontente, permettent la rencontre d’une société — tout à la fois déliquescente et imprégnée de l’esprit du siècle — et du peuple, classe numériquement écrasante, accablée d’impôts et inquiète de son avenir.
Face à ces multiples éléments, Louis XVI, perdu entre les tensions et les aspirations contradictoires des différents éléments du corps social, opte, faute de savoir imposer sa loi, pour la fuite en avant que constitue la réunion des États généraux.
Sources : Dictionnaire de l’histoire de France Perrin sous la direction de Alain Decaux et André Castelot .ed Perrin 1981
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