lundi 8 octobre 2007, par
Le général-président lui reproche-t-il de n’avoir rien stipulé de précis dans les négociations qu’il avait entamées...
– Je ne pouvais absolument rien fixer, réplique-t-il simplement. Je me trouvais sans appui, forcé de ne prendre conseil que de moi-même. Pour moi il n’y avait qu’un gouvernement légal : celui de la régence. Quant au gouvernement de la Défense nationale, il ne pouvait être pour moi qu’un gouvernement insurrectionnel.
– Mais enfin, dans la situation où vous vous étiez mis, quels résultats pensiez-vous obtenir des négociations engagées ?
– J’espérais obtenir pour l’armée des conditions avantageuses pour elle et pour l’intérêt du pays.
– Je vous prie de préciser.
– L’armée serait sortie et aurait pris position dans une zone neutre déterminée où elle se serait tenue à la disposition de l’ordre social menacé...
– Et une fois l’armée sous vos ordres établie dans une zone neutre, si elle avait vu l’ordre social menacé, ce qui paraît très possible puisque vous considériez le gouvernement de la Défense nationale comme un gouvernement insurrectionnel, qu’arrivait-il ? D’après la nature de vos engagements, le commandement allemand lançait nos braves troupes sur les soldats improvisés qui défendaient alors le territoire... Avez-vous, monsieur le Maréchal, songé à cette éventualité ?
– Quand j’ai dit que l’armée devait se tenir à la disposition du pays et répondre de l’ordre social, je croyais qu’un armistice général serait contracté et au besoin imposé. Je voyais la paix et l’apaisement de ce malheureux pays amenés grâce à ces soldats qui avaient si vaillamment fait leur devoir devant l’ennemi.
– Permettez-moi, monsieur le Maréchal, de vous dire que ces sentiments que je ne veux pas discuter, et que le conseil appréciera, ne devaient entrer qu’en seconde ligne dans votre esprit qui, surtout et avant tout, aurait dû être dominé par une seule pensée, celle d’aider à la résistance que votre pays faisait à l’étranger.
Et, pour donner plus de poids à cette leçon, le duc d’Aumale lève l’audience. Mais à la reprise l’interrogatoire reprend et fournit bientôt au général-président l’occasion de rappeler une seconde fois Bazaine à son devoir de soldat et de Français.
– Croyez-vous que la situation au 29 septembre fût telle que vous pussiez vous conférer à vous-même le droit de conclure une convention militaire puisque, selon vous, il fallait lire convention militaire sous le mot capitulation ?
– Ma situation était en quelque sorte sans exemple. Je n’avais plus de gouvernement. J’étais, pour ainsi dire, mon propre gouvernement à moi. Je n’étais plus dirigé par personne... Je n’étais plus dirigé que par ma conscience.
– Ces préoccupations de négociations, alors, étaient donc plus puissantes sur votre esprit que la stricte exécution de vos devoirs militaires ?
– Oui... J’admets volontiers que ces considérations soient strictes quand il y a un gouvernement légal, un pouvoir reconnu par le pays, mais non pas quand on est en face d’un gouvernement insurrectionnel... Je n’admets pas cela.
– La France existait toujours !
La petite phrase tombe de haut... Mais celui à qui elle s’adresse n’a pas un mouvement, pas un geste, pas un frisson qui laisse voir qu’elle a éveillé quelque chose en lui.
Et de nouveau l’audience est levée parmi les murmures de l’assistance.
sources"Le journal de la France" hebdomadaire ed Tallandier 1970 article Rene Jeanne
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