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Rien n’est encore définitivement perdu

, par

« Le colonel me quitta pour tenter ce regroupement mais le commandement se révéla impossible. Devant la pagaille qui ne faisait qu’augmenter, je demandai par radio à la Z.F.N.E. le parachutage d’un bataillon à Ban Ca. L’arrivée d’un bataillon frais à cet endroit aurait peut-être été décisive, car rien encore n’était définitivement perdu. Ce renfort aurait regonflé le moral de tout le monde et atteint celui des Viets. Il nous aurait ouvert la porte de That Khé.
« Dans cette atmosphère de catastrophe, un sous-officier indigène d’une des compagnies de partisans détachées à Qui Chan arriva à mon P.C. et m’annonça que les deux compagnies étaient en déroute et tous les cadres français hors de combat. Cette nouvelle paraissait véridique, étant donné l’ambiance dans laquelle arrivaient les hommes de la colonne Lepage.

Elle était absolument fausse. J’en conclus, bien à tort, qu’il ne fallait plus compter sur ces deux excellentes unités qui devaient, d’après les ordres, rejoindre mon groupement après l’écoulement des derniers éléments de Lepage.

« Et puis, vers 16 h, se produisit un incident fatal pour la poursuite des opérations. Les hommes qui m’entouraient se mirent tout à coup à crier : "Les Viets viennent de s’emparer de la cote 477 !" En effet, on les voyait grimper sur 477 tandis que les éléments du 3’ Tabor quittaient cette position.

« J’essayai en vain de faire reprendre cette position-clef.
« La situation à cet instant paraissait désespérée. Les deux groupements étaient entassés au coude à coude sur moins d’un kilomètre, dans un ensellement compris entre la cote 477 au nord et le piton situé à un kilomètre au sud de 477. Il suffisait aux Viets de placer sur 477 des mitrailleuses, des mortiers, voire de simples F.M. pour faire un carnage de nos troupes.

« Dans la pagaille qui régnait, j’avais perdu le contact avec le colonel Lepage. Je devais prendre une décision immédiate pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être encore.
« Il fallait avant tout desserrer le dispositif. Je demandai successivement au commandant Arnaud, du 8e R.T.M., et au commandant Labataille, adjoint du colonel Lepage, qui se trouvaient à mes côtés, de pousser les troupes qu’ils pouvaient encore commander sur les hauteurs dominant à l’est le petit ruisseau qui coulait sur le flanc est de 477.

« Dans le désordre ambiant, ces deux officiers ne parvinrent pas à déplacer leurs troupes, trop mélangées avec toute sorte d’unités.
« Je pris alors la solution désespérée d’essayer d’entraîner moi-même une partie des éléments qui encombraient la position sans avoir rien à y faire et qui paralysaient le commandement.

« Je fis venir le capitaine Labignette, adjudant-major du 3/3e R.E.I. Le capitaine avait pris le commandement du bataillon car le commandant Forget était hors de combat. A quelques pas de nous, le chef de bataillon, à l’agonie, s’éteignait doucement. Je dis à Labignette : " Je vais tenter de déborder Ban Ca par l’est. Votre bataillon est la seule unité encore capable de se battre. Jusqu’à nouvel ordre de ma part ou ordre contraire du colonel Lepage, continuez à fixer l’ennemi pour protéger les deux colonnes. Je pense revenir mais je n’en suis pas sûr".

« J’ordonnai à mon P.C. radio de rester à la disposition du colonel Lepage qui n’avait plus de poste radio et j’envoyai un dernier message à la Z.F.N.E. : "Groupements ne peuvent plus compter que sur 3/3e R.E.I. Seule intervention urgente de l’aviation et de renforts pourrait sauver la situation ".
« Et je m’élançai. J’entraînai facilement derrière moi une partie du 8e R.T.M. avec le commandant Arnaud et une harka de goumiers derrière le commandant Labataille.
« Depuis le piton de Ban Ca, les Viets se mirent à tirer au mortier sur ma petite troupe et moi. Je reçus un éclat à la tempe gauche mais il ne me fit pas grand mal car il devait être à bout de course. Nous poursuivîmes notre élan pour déborder finalement les positions viets contre lesquelles nos contre-attaques s’étaient brisées.

« Je tombai sur un sous-officier de partisans qui gardait avec quelques hommes les cinq ou six prisonniers viets faits dans la vallée de Quang Liet dans la nuit du 5 au 6 octobre. Le sous-officier avait un problème à résoudre sur-le-champ, car il sentait bien que la situation devenait intenable. Que faire des prisonniers ? " Dites-leur de se planquer quelque part en attendant la fin des combats, lui répondis-je. Nous les libérons, mais qu’ils ne bougent pas. Ils risquent de se faire descendre ".

« Très vite je m’aperçus que je ne pouvais revenir en arrière. J’étais obligé de poursuivre la progression. Notre détachement butait partout sur des cadavres. Quelques-uns étaient déjà gonflés par la putréfaction. Viets ou partisans ? Il n’était pas question de s’arrêter pour les identifier.

« Entre-temps, selon les ordres, les deux compagnies de partisans de Qui Chan s’étaient repliées sur 477 après le passage des derniers éléments du groupement Lepage. Elles trouvèrent ce piton occupé par l’ennemi. Le lieutenant Villtard, excellent baroudeur qui commandait ces unités, fit aussitôt attaquer 477.

Passant victorieusement sur le dos des Viets, il rejoignit le gros de la colonne.
Apprenant son départ, il suivit ensuite k 3* Tabor, parti lui-même sur mes traces. Arrivé aux environs de la cote 603 tenue par les troupes amies de That Khé, il fut alors attaqué à son tour. L’ennemi dispersa ses compagnies, tandis que le 3e Tabor atteignait la position de repli organisée par le capitaine Labaume avec ses troupes de That Khé.

Si j’avais pu me douter que le détachement Villtard était encore en bon état et qu’il allait reprendre 477, je n’aurais pas tenté mon expédition désespérée. (Celle-ci
permit pourtant à un certain nombre de nos hommes de s’en sortir et de gagner à temps Khé.) En effet, nous aurions pu
constituer un groupement de marche apte as combat avec les deux compagnies Villtard et deux compagnies prélevées sur les effectifs du 3/3’ R.E.I. Avec un tel groupement. il était possible de forcer le passage à l’est en direction de 608 et 703 tenus par les groupes de That Khé.
Ce qui restait des partisans et des Marocains aurait suivi tant ken que mal et les débris du 3/3e R.E.I.,aprés avoir fixé l’ennemi et décroché à leur mur. auraient fermé la marche. Cette solution nous aurait peut-être coûté trois ou
quatre cents hommes, mais le gros des colonnes serait passé. »


Sources "Connaissance de l’histoire" Hachette 1982

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