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Extrait : Duel d’Aigle

, par

Duel d’aigles (T.1 :Le chemin de la Guerre et T.2 : La bataille d’Angleterre) - J’ai Lu - Leur Aventure - 1972 - Peter Townsend

Les pertes, ce 10 juillet, s’élevèrent à 3 Hurricane et 4 ME 109, perdus dans la Manche. 11 n’y eut rien à Martlesham - pas une balle tirée. Rien qu’un sentiment de danger croissant, qui nous fit veiller de plus près encore sur les convois. Au cours de quatre patrouilles, je totalisai près de six heures de vol durant ce jour. Rude et longue journée, au bout de laquelle je sombrai dans le sommeil, sans me déshabiller complètement, sous ma tente à l’orée du terrain. Je devais être prêt à reprendre l’air avec la patrouille Jaune le lendemain matin, à 5 heures.

De l’autre côté de l’eau, à Cambrai, quatre hommes, dont Werner Borner, sombrèrent dans le même sommeil, ce soir-là. Avec ses camarades, l’Oberleutnant Gonzow, pilote, le Leutnant Bornschein, navigateur, et le Feldwebel Lohrer, mécanicien, Borner aussi était bon pour se lever à l’aube du 11 juillet.

Le Dornier 17 « Gustav Marie » s’enleva dans le ciel, avec Borner à bord, à peu près à la même heure où j’annonçais par téléphone à la salle des opérations du secteur : « Patrouille Jaune du 85e parée à décoller. » Une brume basse traînait sur la lande de Martlesham, tandis que nos mécaniciens faisaient chauffer nos Hurricane. Je regardai le mien, le VY-K, trépider sur les cales qui freinaient la puissante traction de son moteur Merlin. Le « K » était mon « cerf-volant » depuis mon arrivée au 85e. Tout pilote a le sentiment d’appartenir à son appareil. Une fois « ficelé » dans l’habitacle, j’avais le sentiment que nous ne faisions plus qu’un. Je sentais mon « K » bien en main ; j’aimais sa bonne odeur - le relent âcre d’un avion est grisant.

De retour sous la tente, nous somnolâmes sur nos lits de camp, attendant. Qu’apporterait ce jour ? Inutile même de se le demander ; mieux valait vivre le moment présent.

Soudain le téléphone

« Un isolé, non identifié. Décollage immédiat. Ensuite, appelez le contrôleur. »

En quelques minutes j’avais quitté le sol et je m’enfonçais dans le mince édredon de la brume. Guidé par le contrôleur, je grimpais, traversant des nuages de pluie à la dérive, cap droit sur la mer.

Toujours la mer. Depuis huit mois que je patrouillais au­dessus des convois, j’avais navigué par tous les temps et par toutes les mers. « Par » n’est peut-être pas le mot exact : les marins en savent beaucoup plus long que nous là-dessus. Tout de même, nous n’étions jamais sûrs de rien ; tout dépendait de notre moteur Merlin. S’il lâchait ou s’il était touché, c’était la fin, sauf chance exceptionnelle. Notre Mae West nous permet­trait de flotter, mais nous n’avions pas de dinghies. Tombés à la mer trop loin pour pouvoir nager jusqu’à la côte, nous deve­_.-_- ,.. A__ J’étais à plus de 2 000 m et je continuais à grimper, tantôt dans les nuages lourdement chargés de pluie, tantôt dans des échappées de bleu. En dessous, béait le vide, d’un gris-bleu foncé, plus bas encore, quelque part, je le savais, la mer.

Tout à coup, sortant d’un nuage au-dessus de moi et volant en sens contraire, surgit un avion... Un Dornier 17 ! C’était le miracle du radar de m’avoir conduit’à lui, malgré la brume et les nuages.

Je virai avec mon Hurricane, me dévissant le cou pour ne pas quitter des yeux le Dornier derrière moi. Il ne fallait pas le laisser fuir. Mon seul espoir de ne pas être repéré était de rester droit dessous, de le pister sans être vu, puis de grimper et de prendre de l’altitude jusqu’au moment où je serais à son niveau, par l’arrière et à portée. C’était mon unique chance de lâcher une rafale décisive avant d’être aperçu.

C’était mal parti ce matin-là. Je me sentais énormément à découvert, et je distinguais à peine le Dornier à travers mon pare-brise ruisselant d’eau. Je relevai le capot et penchai un peu la tête dehors et de côté, dans le violent courant d’air. Cela aidait. Encore une centaine de mètres et je pourrais tenter ma chance, au jugé.

Parti de Cambrai, le Dornier 17 « Gustav Marie » avait mis le cap sur la mer du Nord et l’Angleterre. « Plus nous appro­chions de la côte anglaise, m’a raconté Werner Borner depuis, plus les nuages étaient bas. La pluie martelait les vitres de la cabine. Et pas un navire marchand en vue ! » Ce qui n’empêchait pas Werner d’ouvrir l’ceil. De son poste à l’arrière, il disposait du meilleur angle de vision de tout l’équipage, et la vie de ses camarades dépendait de sa vigilance.

A travers une trouée dans les nuages, il aperçut enfin la côte « Ça ressemble vaguement au Schleswig-Holstein, dit quel­qu’un à bord.

 Tu parles d’une colle, voler par un temps pareil ! » grogna une autre voix dans l’interphone.

Ils avaient interdiction de bombarder le moindre objectif terrestre en plein jour. Le bruit courait que c’était pour ne pas gêner le Führer dans ses plans de paix. Mais ils s’enfoncèrent un peu au-dessus des terres, « histoire de faire un brin de tou­risme ».

Au-dessus de Lowestoft, Gonzow décida de bombarder les bateaux ancrés dans le port. Le Feldwebel Lohrer ouvrit la trappe : 10 bombes de 50 kg filèrent dans le vide. Puis Gonzow mit le cap au sud pour rentrer et tout l’équipage entonna en chceur la rengaine Good bye Johnny. Ils chantaient encore, quelques minutes plus tard, quand le cri retentit dans l’inter­phone : « Achtung Jaeger ! »

Werner Borner venait de me repérer.

II empoigna sa MG 15 et ouvrit le feu. Je vis filer vers moi ses balles traçantes, d’un beau rouge vif, et je me souviens d’avoir pensé : « Trop tôt pour tirer. » La distance était encore trop grande. Puis je pressai le bouton et le Dornier 17 commença à avoir chaud. « Des bouts de métal et autres volaient partout », m’a dit Borner. Un rouleau de munitions, touché, vint atterrir sur ses genoux. Presque aussitôt après, le Leutnant Bornschein, qui servait la mitrailleuse droite arrière, fut blessé à la tête et s’affala sur le sol de la cabine. Une seconde plus tard, le Feldwebel Lohrer s’écroulait aussi sur lui, atteint à la tête et à la gorge. Il y avait du sang partout.

Il ne restait plus que Werner pour se battre avec moi. Comme il tendait le bras pour attraper un nouveau rouleau de munitions, il y eut une violente explosion juste au-dessus de lui et il vit trois éclats cingler l’air autour de la tête du pilote Gonzow et le rater de très peu, tandis que le pare-brise de l’habitacle volait en miettes. Impassible, Gonzow continua à voler, mais Werner eut la sensation du sang coulant soudain sur ses joues. « Je n’y fis pas attention, dit-il, ça bardait trop. Je rassemblai toutes les forces pour tirer sur le Hurricane. Nous étions si près que je pouvais voir le pilote. Jamais je n’oublierai le feu d’artifice des éclairs jaune orangé que crachaient ses mitrailleuses et qui se croisaient avec mes balles traçantes et incendiaires - le tout se silhouettant sur un banc de gros nuages d’orage noirs, pareils à une rangée de fantômes. Puis ma mitrailleuse me sauta des mains. » Mais pas avant qu’il eût fait du bon travail.

Je tirais toujours, quand, devant moi, l’habitacle retentit et s’illumina du bruit et de la lueur orange vif d’une explosion. Il est probable que je continuai à tirer dans la seconde qui suivit et que ce furent ces dernières balles qui arrachèrent sa mitrail­leuse à Borner. Puis je décrochai et il vit mon Hurricane piquer du nez, laissant derrière lui un sillage de fumée noire. L’instant d’après, le « Gustav Marie » disparaissait dans les nuages.

La cabine du Dornier 17 était dévastée : « Partout des bouts de ceci et des morceaux de cela, des visages couverts de sang, une odeur de cordite et toutes les vitres sautées, raconte Borner. Les ailes, le fuselage, le moteur, tout était criblé de balles. L’étonnant était que personne ne fût grièvement blessé et que notre brave vieux « Gustav Marie » continuât à voler ! »

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