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30 secondes sur Tokyo

, par

Ted W. Lawson était l’un des pilotes qui participa au raid surprise mené par J.H. Doolittle sur la capitale de l’empire du Soleil-Levant le 18 avril 1942. Son Mitchell fut le septième à quitter le pont du porte-avion U.S.S. Hornet. ’ Après le bombardement de ses objectifs, il fut pris dans une tempête qui sévissait en mer de Chine. En vue de la côte chinoise, il tenta de se poser sur une plage, mais son B-25 toucha l’eau et l’équipage fut blessé à la suite du violent impact avec la mer. Le pilote, Ted Lawson fut sérieusement atteint après être passé à travers le pare-brise de son B-25, il eut une jambe entaillée jusqu’au fémur et les mâchoires brisées.

Pourchassé par les Japonais, l’équipage fut ramené dans les lignes amies par des partisans chinois. Ted Lawson fut amputé de la jambe gauche, après de longs jours de fuite durant lesquels il avait été transporté sur une civière ou dans la cale d’une jonque.

Trente Secondes sur Tokyo - Ted W. Lawson

J’enfilai, plus bas que les collines qui la bordaient, une vallée menant plus ou moins vers Tokyo, mais McClure vérifia la route et constata qu’elle nous écartait du but. Je cabrai, sautai les collines et m’engageai dans une autre vallée, corrigeant l’erreur. McClure surveillait les vallées adjacentes. Il m’en laissa suivre une pendant quinze secondes, puis me fit encore sauter les crêtes et en prendre une autre qui correspondait à notre ligne imagi­naire. Nous restions en rase-mottes.

Davenport, Clever et moi les aperçûmes en même temps six Zero 1 volant en deux V serrés, à environ 1 500 pieds d’al­titude, venaient droit sur nous. Nos yeux ne les quittaient pas comme ils s’approchaient de plus en plus. Ils ressemblaient à nos chasseurs américains, avec leur gros moteur en étoile et leurs ailes courtes. J’étais juste au ras d’une forêt de pins.

La première patrouille de Zero fila au-dessus du nez vitré du B-25 et disparut, cachée par le plafond en tôle ; la seconde allait l’imiter, mais juste avant que je la perdisse de vue, le Zero de gauche se dégagea et piqua vers nous. Je pris le téléphone au moment où Thatcher annonçait
 Je l’ai vu !
Je poussai un soupir de soulagement, puis pensai à la tourelle. Je dis à Thatcher de m’avertir quand il en aurait besoin. Cinq ou six interminables secondes s’écoulèrent ; je demandai à Thatcher s’il voulait la tourelle.
 Non, attendez ! répondit-il.
J’imaginais ce Zero piquant sur notre queue, crachant le feu de ses mitrailleuses et de ses canons. J’appelai de nouveau Thatcher. Pas de réponse. Je pensai que quelque chose ne mar­chait pas dans le téléphone et que mon mitrailleur était peut-être en train de hurler qu’il avait besoin de la tourelle. J’allais risquer le coup et brancher le courant quand Thatcher parla de nouveau
 Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, mais je ne le vois plus ; je pense qu’il a rejoint sa formation.
Nous rampions toujours, rasant les toits de quelques petits villages, et je commençais à m’inquiéter : de la côte à Tokyo il y avait vingt minutes, et nous volions au-dessus de la terre ferme depuis une demi-heure. J’aperçus une assez grande ville sur ma gauche et je me dis que si je ne trouvais pas la capitale, je ferais demi-tour et viendrais causer là quelques dommages. Mais comme nous sautions une colline et le temple perché au sommet, nous découvrîmes la baie de Tokyo, lisse comme un miroir.

Brillante sous le soleil de midi, elle nous parut aussi longue à traverser qu’une mer ; je descendis au ras de l’eau tandis que McClure contrôlait la route ; je gardais toujours ma faible vitesse, pour économiser l’essence, au prix d’une tension nerveuse épui­sante à la pensée des Zero qui pouvaient piquer à plus de trois cents milles à l’heure. Depuis deux minutes, nous survolions la baie quand, tous ensemble, nous tombâmes en arrêt : à notre droite, ancré à environ deux milles, se trouvait le plus gros porte-avions que nous eussions jamais vu. J’eus une terrible tentation de virer et d’aller lui lancer une bombe, mais nous étions tellement préparés à l’attaque de nos objectifs et la ville était si proche que je décidai de continuer.

Pas d’avions ennemis. Devant moi j’aperçus un appareil, celui de Davey Jones, sans doute, montant rapidement au milieu de petits nuages noirs, meurtriers, mais d’apparence inoffensive.

Encore cinq minutes au-dessus de la baie, pendant lesquelles je découvris, au-delà de la rivière, le barrage de ballons tendu entre Yokohama et Tokyo.

Il n’y avait pas de plage à l’endroit où nous abordions la côte : chaque pouce de rivage était occupé par des débarcadères. Comme prévu, nous constatâmes la présence de dragueurs qui travaillaient à augmenter la longueur des quais. Nous arrivâmes sur des yachts magnifiques, puis sur de plus gros bateaux, et enfin sur les premières maisons. Je donnai un peu plus de gaz, car nous semblions avancer péniblement.

A rêver de Tokyo pendant des jours et des nuits, à penser aux huit millions d’habitants qui vivaient là, j’avais acquis la conviction, la certitude de trouver une ville aux maisons entassées, pressées les unes sur les autres, comme San Francisco. Au contraire, elle paraissait s’étendre à l’infini, comme Los Angeles. Nous trouvions une quantité de constructions modernes 1 toutes semblables et, comme nous volions très bas, je commen- ; çais à me demander si nous pourrions repérer nos objectifs. B me fallait rester très bas, et je ne voyais pas loin devant moi ni sur les côtés. Si je montais, je déclencherais le feu de la défense’ contre avions, précis, sans aucun doute, car les avions japonais étaient en alerte. Les immeubles grandissaient. Pas un chat dans les rues.

J’arrivai presque sur le premier objectif avant de le voir. Aussitôt je mis plein gaz. Davenport régla le pas des hélices pour qu’elles eussent plus de prise sur l’air, et nous grimpâmes aussi vite que nous pûmes à 1 500 pieds, comme nous l’avions fait à l’entraînement pendant un mois et, en imagination, pen­dant trois semaines de plus au cours de nombreuses discussions.

Le temps d’atteindre l’altitude, de mettre en palier, d’ouvrir la trappe de la soute à bombes, de faire la visée en ligne droite et nous lâchions la première bombe de cinq cents livres ; une lumière rouge s’alluma au tableau de bord : la bombe était partie. Notre vitesse augmenta. Une nouvelle lumière rouge Clever avait largué la deuxième bombe. A ce moment précis, un nuage noir naquit soudain à cent mètres devant nous et fonça sur nous à toute allure ; deux autres apparurent, toujours devant nous, et passèrent au ras de nos bouts d’ailes ; ils écla­taient à notre altitude, mais un peu trop tôt.

La troisième lumière rouge jaillit. Nous survolions un quartier plus clairsemé, dans la partie sud de la ville, quand la quatrième lueur brilla : c’était la bombe qui, aussitôt lancée, devait se séparer en une douzaine de projectiles incendiaires.

Sans attendre, je plongeai. J’avais changé de cap et, en regar­dant derrière moi, je vis les effets de notre dernière bombe explosive sur la fonderie visée ; pendant mon piqué, les murs de l’immeuble semblèrent exploser, puis s’abattirent et disparurent dans un nuage noir et feu.

La vitesse du Canard boîteux, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, était montée à trois cent cinquante milles à l’heure, et je me demandai pourquoi les Japonais ne dressaient pas, avec leurs mitrailleuses, un mur de feu au travers duquel nous serions obligés de passer.

Je remis l’avion en palier au ras d’une longue rangée d’im­meubles, envoyant la ville au diable. Je me sentais satisfait du travail sur la fonderie et j’espérais que les autres bombes avaient aussi bien réussi. Il n’y avait pas moyen de le savoir exactement, mais en tout cas, il était sûr que Tokyo avait pas mal souffert aujourd’hui. Entre le moment où nous avions lâché la première bombe et le moment où nous avions piqué, il ne s’était pas écoulé plus de trente secondes. Nous serpentions en rase-mottes mainte­nant, attendant une nuée de Zero d’un instant à l’autre. Je branchai le téléphone de bord et demandai à Clever s’il était sûr que les bombes fussent toutes parties.
 Sûr, répondit-il.
McClure donna la route, plein sud. Thatcher, regardant vers l’arrière, nous dit que la fumée commençait à monter. Je lui conseillai de surveiller le ciel et de me prévenir quand il aurait besoin de la tourelle.

J’arrivai sur une foie verrée et passai au-dessus d’une loco­motive, assez bas pour voir la tête effarée du mécanicien ; après coup, je me maudis de ne pas avoir gratifié la chaudière d’une rafale de ma mitrailleuse avant. Mais je me consolai en me disant que nous aurions peut-être à faire meilleur usage de nos muni­tions. Puis un faisceau de lignes télégraphiques brilla comme des fils d’argent sous le soleil ; il n’était pas difficile d’imaginer des voix excitées donnant notre direction à ceux qui, devant nous, nous attendaient.

Soudain, McClure nous montra six biplans de chasse japo­nais, affreux coucous paraissant aussi lents que des avions d’observation. Ils volaient bien au-dessus de nous en formation serrée. Nous les surveillions : si bas, nous espérions les voir s’écraser au sol avant de pouvoir se redresser s’ils piquaient sur nous. Mais ils restèrent où ils étaient, et nous n’avions pas envie d’aller les provoquer.

Et l’essence ? Tous nos réservoirs supplémentaires étaient vides maintenant, et nous commencions à vider nos réservoirs d’ailes ! La ville étant loin derrière nous, je réduisis la vitesse. Nous étions de nouveau au-dessus de l’eau. En effet, la côte de Honshu, l’île principale du Japon, court nord-est - sud-ouest, et nous avions fait route vers le sud pour tromper nos pour­suivants éventuels et cacher notre intention de gagner la Chine.

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